Une clé, une gomme, un manteau, un mouchoir, un torti, une pince à linge, un pinceau, une semelle, une ardoise, un souci… Voici dix nouvelles cartes postales représentant des poèmes objets.
Tout ce qu’on serre par mon biais
Et par mon biais ce qu’on desserre
Ou me répugne ou m’indiffère :
C’est clé de fa qui me seyait.
Dans une tendre ritournelle,
Un air pompier, un opéra,
Ou pour que danse un petit rat,
Avec tambour et violoncelle.
Comme un enfant rêve en son lit,
Je songe sur mon établi.
Voyez ce qu’est la destinée :
Là, quelquefois, près de l’étau,
Entre la scie et le marteau,
Je sens la chose à ma portée.
Que l’on t’use
Ô ma muse
Et je passe…
Comme un dessin qu’on efface
Je couvre d’un blanc manteau
Quelques braises qu’on attise
Afin que la flamme vive
Comme il neigera bientôt
Il n’est de nez que je ne mouche
(Même le tien Grand Mamamouche)
Aquilin, mauve ou pas vilain
Jamais jamais je ne me plains
Il n’est de nez que je ne mouche
(Même le tien Grand Mamamouche)
Tordu, bizarre ou mal fichu
C’est le destin qui m’est échu
Il n’est de nez que je ne mouche
(Même le tien Grand Mamamouche)
Distingué, grave ou bien goutteux
J’en mourrai ça n’est pas douteux
Il n’est de nez que je ne mouche
(Même le tien Grand Mamamouche)
Mon cœur se tord comme une hélice
Dont l’affamé fait son délice
Un amour de pince à linge
Il passe une brise d’été
Sur le drap que je coince
Et ce vieux pull pour qui j’en pince
Flotte au vent d’à côté
Quel pinson sot peint sans pinceau ?
Sans pinceau qu’a peint ce pinson ?
Ce pinson-ci n’est pas si sot
Qui peint sans pinceau sa chanson.
De la naissance au trépas
Sur le chemin qu’on emprunte
On voudrait bien n’être pas
Le cœur gros ni l’âme empreinte
De tristesse, ni l’orteil
Qui gratouille et nous démange
Mais c’est tous les jours pareil
C’est le destin qui nous mange
Quelque ailleurs où nous allons
Il a, monstre épouvantable
L’estomac dans les talons
Et ne quitte pas la table
Je meurs à la boutonnière
Un beau soir à l’opéra
Et mon âme saisonnière
Comme une larme expira
Je suis un vers sur une ardoise
Qui sait courir et sait chanter
Comme on savoure une framboise
Dans les premiers jours de l’été